aliochaverkiev le Mar 8 Mar 2016 - 10:28
Pour approfondir cette question de l'indétermination du phénomène je me réfère à l'étude qui en est faite par M. Rivelaygue dans son œuvre citée plus haut (leçons de métaphysique allemande) page 83.
"Kant dit de la chose sensible que "c'est l'objet indéterminé d'une intuition empirique". Pourquoi indéterminée? Ce qu'il faut comprendre , c'est qu'en fait la détermination de la chose n'apparaitra qu'à travers l'entendement"
"Au niveau de la perception, si l'espace et le temps sont continus, et d'une continuité qui n'est pas l'addition des parties, la chose perçue n'a pas d'unité"
Nous anticipons là sur la définition de l'espace et du temps comme formes continues mais l'essentiel n'est pas là pour le moment : l'essentiel est qu'en effet le phénomène ne peut pas être défini. Ce qui pose tout de même problème, car décrire une "réalité" qui ne peut être définie ouvre beaucoup de perplexité.
Cette position intellectuelle de Kant sera critiquée par Husserl. Page 86, Rivelaygue :"On comprend que pour Husserl l'Esthétique transcendantale soit à refaire , puisque, de fait, la chose de la perception n'y est pas définie".
Nous ne rentrerons pas ici dans un débat qui a fait l'objet de réflexions approfondies de la part de Husserl, Merleau-Ponty et Heidegger (Kant a ouvert de nouvelles et passionnantes voies de réflexion!) mais le lecteur ne doit pas s'inquiéter de ne pas bien saisir ce que c'est "cet objet indéterminé de l'intuition empirique", il est en bonne compagnie! Puisqu'il marche ainsi sur les pas de philosophes tels que Husserl et d'autres.
Pour ma part, et toujours dans un esprit pratique, concret, je propose une approche du phénomène, dans sa perception, avec cet exemple :
Lorsque nous découvrons un paysage nouveau, par exemple une chaîne de montagne jamais vue auparavant, nous avons quelque difficulté à distinguer les sommets les uns des autres, nous avons le sentiment d'un certain flou, d'une difficulté à "saisir" ce nouveau paysage. Pourtant si, munis d'une carte, nous nous efforçons de nommer les différents pics et cols de cette chaîne de montagne, nous nous apercevons, après nomination que brusquement nous distinguons les sommets et les cols. Le seul fait de nommer crée pour nous, en nous, la distinction. Je dirai que la nomination fait intervenir de manière plus approfondie les synthèses de l'entendement, et que la perception, avant nomination, se rapproche (peut-être) de ce que Kant appelle phénomène. Il s'agit là bien sûr d'une simple proposition.